Chute de Bachar al-Assad : Trois interrogations sur les stocks de Captagon découverts en Syrie
2024-12-12
Auteur: Philippe
Un héritage toxique de la dictature. Le trafic illicite de Captagon est devenu un véritable moteur économique pour le régime de Bachar al-Assad, permettant de financer son effort de guerre tout en contournant les sanctions occidentales. Alors que la guerre civile ravageait le pays, ces drogues et leur commerce sont devenus des outils cruciaux de survie pour le régime.
Les récents événements ont mis en lumière un vaste réseau de distribution de cette drogue, avec de nombreuses saisies rapportées dans les médias. Des journalistes de l'AFP ont constaté, à Mazzeh, en banlieue de Damas, plusieurs milliers de comprimés de Captagon en train de bruler dans un bâtiment près de l'aéroport. Ces images, devenues virales sur les réseaux sociaux, témoignent de l'ampleur du phénomène.
Ce stock a été incendié par les combattants du Hayat Tahrir al-Sham (HTS), dont le leader a accusé Bachar al-Assad d'avoir "semé le sectarisme et le Captagon" en Syrie. Trois questions essentielles se posent sur ce commerce qui a proliféré au cœur du conflit syrien.
1. Quelle est l'origine du Captagon ?
Le Captagon était à l'origine un médicament commercialisé par une société allemande dans les années 1960, utilisé pour traiter divers troubles médicaux. Bien que le nom soit resté utilisé, le Captagon tel qu'il est vendu aujourd'hui n'a plus grand-chose à voir avec ce médicament. Sa composition a évolué vers un mélange dangereux d'amphétamine et d'autres substances.
En raison de son efficacité comme psychostimulant, sa popularité a explosé dans les années 1990, notamment parmi les sportifs. Le Captagon a été interdit en France en 1995, mais son interdiction a favorisé l'émergence d'un marché parallèle, en particulier depuis les années 2000. Aujourd'hui, la Syrie est désormais considérée comme un centre de production clé pour le Captagon dans la région.
2. Qui alimente le marché de cette drogue ?
Le marché de Captagon est principalement alimenté par des producteurs en Syrie et au Liban. La guerre civile syrienne a transformé le trafic en une source de financement pour différents groupes, y compris des factions armées et des forces régionales. Ce n'est pas seulement une question de profit, mais aussi d'influence politique dans une région déjà en proie aux conflits. Ce qui est alarmant, c'est que cette drogue est devenue populaire parmi la jeunesse aisée des pays du Golfe, notamment en Arabie Saoudite, où la consommation s'est intensifiée.
3. Comment la Syrie est-elle devenue un "narco-État" ?
Depuis que le régime d'Assad a repris une grande partie du contrôle en 2018, la production de Captagon a été largement industrialisée. Le régime a utilisé ce commerce de drogue comme un outil de survie économique face à des sanctions de plus en plus sévères. Selon des rapports du New Lines Institute, le Captagon représente désormais une des principales sources de devises pour le gouvernement syrien, alors que son PIB s'écrase.
Des sanctions ont été imposées sur des individus clés liés à la production de Captagon, notamment les membres de la famille Assad, tandis que les États-Unis ont introduit le "Captagon Act" pour faciliter la lutte contre ce trafic. Les opérations de saisie de drogue se sont multipliées dans les pays voisins, avec des chiffres révélateurs : 24 millions de comprimés saisis en Irak en 2023, et près de dix millions de comprimés en Turquie au cours des dix premiers mois de 2024.
Il est crucial d'observer comment la situation évolue, car le trafic de Captagon est devenu un enjeu non seulement de sécurité mais aussi de négociation politique. En 2023, des pays du Golfe ont conditionné leurs aides à la reconstruction de la Syrie à un arrêt de ce commerce de drogue. La lutte contre cette épidémie reste un défi de taille pour la région.