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Au procès des viols de Mazan : la défense face à une victime devenue icône

2024-09-26

Jusqu'où peut aller un avocat pour défendre son client accusé de viol ? Cette question résonne depuis l'ouverture du procès de Dominique Pelicot et de ses 50 coaccusés à Avignon le 2 septembre. Une trentaine d'avocats représentent ces 51 hommes, principalement accusés de viols aggravés commis sur Gisèle Pelicot, victime d'abus ayant été droguée aux anxiolytiques par son ex-mari. Les déclarations récentes de certains avocats, en dehors du prétoire, ont provoqué une onde de choc très négative.

Guillaume de Palma a d'abord soutenu qu'"il y a viol et viol", en insinuant une défense basée sur une vision controversée des agissements de ses clients. Isabelle Crépin-Dehaene a, quant à elle, ironisé sur une cagnotte de soutien pour Gisèle Pelicot lancée par l'ex-star de télé-réalité Nabilla, en déclarant de manière sexiste : "Elle aurait pu vendre ses seins en plastique." Nadia El Bouroumi a également suscité l'indignation en se filmant sur les réseaux sociaux pour partager des moments d’audience.

Ces attaques ont été perçues comme particulièrement malhabiles et méprisantes envers la victime et ont aggravé le climat de tension qui règne dans la salle d’audience. Les avocats de la défense semblent naviguer sur un fil mince, adoptant une stratégie parfois douteuse.

Des preuves accablantes

Dominique Pelicot a conservé des centaines de photos et vidéos qui rendent difficile toute contestation des faits, les accusés s'appuyant sur l'absence d'intentionnalité pour justifier leurs actions. En effet, ils prétendent avoir pensé à un jeu consensuel et libertin, où Gisèle aurait fait semblant d’être endormie. Les déclarations étranges d’un accusé de 72 ans, tentant d’expliquer son acte, sont devenues une source d'incompréhension parmi les jurés.

Les vidéos, diffusées en audience, montrent Gisèle visiblement inerte, rendant les défenses de certains accusés encore plus fragiles. Ce dam de preuves a conduit plusieurs à se contredire, avec des tentatives de justification qui tombent à plat face à la gravité des actes dévoilés.

Face à cette situation explosive, Dominique Pelicot, en tant qu’initiateur des agissements, devient un adversaire redoutable. Ses interventions au tribunal sont cinglantes et frôlent le cynisme, alors qu’il accuse ses coaccusés d'avoir eu connaissance de la nature des actes, affirmant haut et fort que "ce sont tous des violeurs comme moi".

Des audiences marquées par l'humiliation

Les moments d’audience se sont également révélés particulièrement difficiles pour la victime. Le 18 septembre, deux avocats ont demandé la projection de 27 photos intimes de Gisèle, un acte perçu comme profondément humiliant. Pour ces avocats, il était essentiel de montrer que, même si ces images avaient été envoyées à certains accusés, cela pourrait laisser supposer une forme de consentement.

Les interrogations posées par la défense, parfois jugées dévalorisantes, ont de loin outré de nombreuses personnes présentes. Cette pression jugée excessive sur le témoignage de la victime reflète un climat d’angoisse et de tension, à l’image d’affaires antérieures telles que celle d’Outreau, où la jugée populaire a semblé ruiner toute présomption d'innocence.

Une victime au-dessus de tout soupçon

Aujourd'hui, Gisèle Pelicot est perçue comme une icône, ce qui complique encore plus la défense des accusés. Patrick Gontard, avocat d'un des coaccusés, explique que "la victimisation devient si profonde qu’il est presque impossible d’envisager de remettre en question les circonstances du viol". Le discours médiatique autour de Gisèle, par ailleurs soutenue sur les réseaux sociaux, a clairement établi une dichotomie de responsabilité en posant Gisèle comme l’héroïne et les accusés comme les méchants.

Cela a un impact psychologique sur Gisèle elle-même qui, malgré son statut de victime, a déclaré ressentir que "la coupable, c’était elle, pendant que les 50 co-accusés sont perçus comme des victimes". Ce procès s’avère être une véritable montagne russe émotionnelle, où les dynamiques de pouvoir, les questions de genre et la perception publique s’entremêlent de manière peu orthodoxe.